Le Sénégal retient son souffle

par Erwan Davoux
5 minutes lire

Erwan DAVOUX a été chargé de mission à la Présidence de la République et a conseillé de nombreuses personnalités politiques de droite à l’international.

L’élection présidentielle aura lieu dans 4 jours au Sénégal. Le PDS (parti de l’ancien président Abdoulaye Wade et qui soutient désormais son fils Karim Wade) pourrait être le faiseur de roi.

L’élection présidentielle sénégalaise aura lieu le dimanche 24 mars. Ainsi en a décidé Le Conseil Constitutionnel. Elle se déroulera donc sans deux ténors Karim Wade (PDS) et Oumane Sonko, leader du Pastef dont les candidatures n’ont pas été validées par cette instance.

L’équation est complexe. Les chances d’Amadou Ba, censé représenter le camp du président sortant, sont relativement faibles. Mais elles auraient nulles si l’élection avait été différée. Certains voient sa main derrière toutes les décisions du Conseil Constitutionnel de ne pas reporter l’élection. En effet, la présence des deux ténors empêchés l’aurait privé de tout espace. Amadou Ba a la réputation d’être un bon gestionnaire, il fut Ministres des Finances, des Affaires étrangères et Premier ministre. Il connait tous les rouages du fonctionnement de l’Etat et est apprécié à l’étranger. Mais ces forces indiscutables peuvent se révéler être aussi des faiblesses.

En effet, le peuple sénégalais a envie d’une rupture. D’une sorte de deuxième indépendance considérée comme réelle par opposition à l’actuelle considéré comme formelle. Le débat sur le Franc CFA avec les allers-retours du Pastef sur le sujet en témoigne. L’état d’esprit de la population est plutôt anti-français, comme dans les Etats du Sahel. La France porte une lourde responsabilité dans cette situation. Des relents de Françafrique incarnés par certains chefs d’entreprises français locaux se comportant en potentat et semant la détestation par leur néocolonialisme, à l’absence de ligne diplomatique claire, la France n’a rien fait d’efficace pour enrayer ce qui pourrait être des lendemains très difficiles pour elle, au Sénégal. Un séisme car le pays a un poids d’importance dans la diplomatie française. La France, au Sénégal comme ailleurs, a été trop lente à réagir face à cette situation qu’elle a manifestement sous-estimée. Elle a aussi laissé développé des “fake news” qui font maintenant partie du ressenti collectif. Une perte d’influence au Sénégal signifierait simplement que la France sous les mandats de François Hollande a été chassée d’Afrique. Ne resterait que la Côte d’Ivoire d’Alassane Ouattara.

Ce contexte favorise indiscutablement Bassirou Diomaye Faye qui surfe sur cette vague populiste avec habileté et, désormais, le concours d’Ousmane Sonko, le véritable leader dont l’élargissement est récent. Leurs sympathies vont plus spontanément vers la Russie que vers la France.

Dans ce contexte, Amadou Ba se bat pour qu’il y ait un second tour et peut désormais compter sur l’appui du camp présidentiel, de l’APR après quelques périodes de tension. Mais cela risque de ne pas être suffisant. Le choix fait par le PDS de le soutenir activement ou de soutenir Idrissa Seck (ancien Premier ministre qui fut un temps très proche du président Abdoulaye Wade) ou, enfin, d’appeler à l’abstention (on le voit mal prendre position pour le Pastef) aura toute son importance.

Cette élection est porteuse de dangers car le favori qui est incontestablement Bassirou Diomaye Faye est n°2 d’un parti politique, sans expérience du pouvoir. Quel serait sa relation avec Ousmane Sonko s’il venait à être élu ? La complicité entre les deux hommes résisterait-elle aux dures lois connues de la vie politique ? Quelle sera l’attitude de Karim Wade et du PDS ? N’y-at-il pas un risque de désenchantement et de déception rapide après les promesses de rupture ? D’autant que le bilan des deux mandats de Macky Sall est globalement positif même si la population ne l’a pas forcément ressenti ainsi. Le Plan Sénégal Emergent (PSE) a connu des retards mais il reste un objectif atteignable et réaliste contrairement à d’autres pays africains dans lesquels l’émergence n’est qu’un slogan. Le Président Macky Sall, comme ses illustres prédécesseurs, aura porté haut les couleurs de la diplomatie sénégalaise sur la scène internationale.

Le report de l’élection de quelques semaines ou quelques mois aurait permis une élection apaisée et incontestable avec tous les potagonistes. C’était l’option préconisée par le Président Macky Sall mais elle s’est heurtée aux calculs politiques des uns et des autres.

Vous aimerez aussi

Geopolitics.fr traite de l’actualité et analyse les questions politiques, internationales et de défense dans une perspective gaullo-chiraquienne et dans une démarche participative.

Newsletter

Abonnez-vous à ma newsletter pour de nouveaux articles de blog, des conseils et de nouvelles photos. Restons informés !

@2024 – All Right Reserved. Site réalisé par  Aum Web
Voulez-vous vraiment déverrouiller cet article ?
Restant à déverrouiller : 0
Êtes-vous sûr de vouloir annuler l'abonnement ?