Dans l’affaire de l’UNRWA, la diplomatie macronienne telle un mouton de panurge

par Erwan Davoux
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Vendredi 26 janvier, sur la requête de l’Afrique du Sud, la Cour Internationale de justice rendait une décision qui constituait un coup de tonnerre pour Israël. En effet, elle estimait les indices d’un possible génocide suffisamment probants pour lui enjoindre de prendre des mesures conservatoires (alinéa 3 des conclusions, voté y compris par le juge israélien nommé ad hoc par l’Etat hébreu). Netanyahou, avec sa tête des mauvais jours, faisait alors une allocution télévisée pour confirmer qu’Israël (qui doit son existence à l’ONU) ne tiendrait aucun compte des injonctions d’un organe majeur de l’ONU.

Le lendemain, probablement un hasard de calendrier auquel seuls les plus gogos peuvent croire, Israël mettait sévèrement en cause l’UNRWA l’accusant de collusion avec le Hamas et fournissant des éléments de langage à ses multiples trolls sur X (identifiables pour certains à leur #HamaSS intéressant à analyser d’un point de vue psychiatrique) selon lesquels tous les membres de l’UNRWA auraient participé aux attaques du 7 octobre, moralement, physiquement, par la pensée, dans leur inconscient, dans leur sommeil, à l’insu de leur plein gré. Le tout dans la joie et l’allégresse naturellement.

L’UNRWA, avant même les conclusions d’une enquête indépendante réellement nécessaire, prenait des mesures rapides écartant neuf personnes mise en cause (sur 27 000 employés au Proche-Orient). Manifestement, en vain.  Qu’il existe de la sympathie ou de la compassion des membres de l’UNRWA pour la population palestinienne, voilà qui est évident et quasiment naturel. S’engage-t-on humainement à ce point, prend-on autant de risques sans empathie ? Est-il nécessaire de rappeler que 101 de ses membres ont perdu la vie depuis le début de l’offensive israélienne ?

Certaines puissances occidentales, comme un seul homme, ont décidé de couper les financements. Elles ne font que renforcer les chances que la CIJ dans sa décision finale, retienne bien la qualification de génocide. Ces puissances seraient donc coupables de non-assistance à un peuple subissant un génocide. L’Union Européenne, elle, est dans un position attentiste. Elle et finira, comme à l’accoutumé, par faire ce que lui dicteront les Etats-Unis. 

En réalité, ce que souhaite Israël est tout simplement un démantèlement complet de l’UNRWA. Le ministre israélien des Affaires étrangères l’a déclaré, il n’y a pas de place pour l’UNRWA « dans l’après ». Il se se vante, aujourd’hui même, sur X, d’avoir annulé son rendez-vous avec Philippe Lazzarini, patron de l’UNRWA. Il y a trois semaines déjà, Norga Arbelle, une responsable israélienne, déclarait qu’ « il ne serait pas possible de gagner la guerre sans détruire l’UNWRA et que cette destruction devait être immédiate ». L’UNRWA est la seule organisation onusienne venant au secours des 2 millions d’habitants de la Bande de Gaza, territoire théoriquement autonome (avant le 7 octobre et depuis 2005) mais dans lequel Netanyahou coupe aide internationale, eau, électricité et gaz quand bon lui semble. Aujourd’hui même, Israël a décidé de geler 100 millions de dollars appartenant à …. L’Autorité Palestinienne !

Dans un contexte de possible génocide, détruire l’UNRWA revient clairement à condamner les rescapés des massacres quotidiens, à mourir de faim et de soif. Ce démantèlement risque également d’avoir un impact gravissime sur trois Etats de la région : la Jordanie, le Liban, la Syrie.

Alors que ce conflit prend de plus en plus une tournure Nord/Sud, le Nord laissant Israël agir à sa guise et le Sud demandant le respect du droit international, qui est un égalisateur de puissance et l’instrument du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, on aurait pu attendre de la France qu’elle joue un rôle de médiateur dans sa tradition diplomatique gaullo-chiraquienne de défense des peuples, de respect du droit international, d’indépendance. Que nenni ! La France devenu diplomatiquement un Etat américain (mais pas aussi puissant que la Californie), se vante dans un communiqué du Ministère de l’Europe et des Affaires étrangère (en date du 28 janvier) de n’avoir pas prévu de nouveau financement pour l’UNRWA au premier semestre 2024. Comme les autres Etats, elle devra endosser la responsabilité juridique le moment venu et morale dès à présent, de cette décision.

Ce n’est qu’en 2027, tant la politique étrangère est le domaine réservé, que la France pourra espérer très laborieusement et très patiemment tenter de remonter à la surface après le naufrage de sa diplomatie hollando-macroniste ultra-atlantiste, tendance néocons.

Erwan DAVOUX est diplômé de l’IEP de Paris et de l’INALCO.

Ancien chargé de mission à la Présidence de la République, il a conseillé de nombreuses personnalités politiques de droite à l’International.

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