Écologie versus économie, les deux faces d’une même monnaie ?

par David OSORIO
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Par David OSORIO, Avocat et ancien diplomate de carrière vénézuélien / Expert en droit international, géopolitique et affaires multilatérales / Essayiste sur l’actualité de la politique internationale.

Le monde est confronté à une menace existentielle : le changement climatique. La sonnette d’alarme sur l’exploitation excessive des ressources naturelles et leur consommation irresponsable fut tirée, non pas lorsque les glaciers commençaient à fondre ou lorsque des inondations ou des tremblements de terre dévastaient des villes entières du Pacifique, mais lorsque leurs effets ont commencé à affecter de manière exponentielle les taux de production et de croissance de l’économie mondiale.

Le jour où le dérèglement climatique a inquiété Wall Street et les banques est celui précisément où les politiques ont décidé d’inscrire cette question parmi les priorités de l’agenda international. Cependant, les nombreux accords signés par plusieurs pays sur certains aspects fondamentaux de la diplomatie écologique n’ont pas été suffisamment contraignants pour faire face aux risques et à l’urgence environnementale actuelle.

L’humanité a quitté depuis longtemps sa zone de confort environnemental en raison de du développement des plus grandes économies mondiales, provoquant de nouveaux conflits dont les solutions possibles ne vont pas vers la véritable résolution de la crise climatique, mais vers l’établissement de nouveaux traités et accords économiques et commerciaux souscrits en juxtaposition à celui de l’agenda écologique multilatéral.

Réparer ce désordre de la nature ne peut pas signifier, comme le suggèrent certains analystes, convaincre les gouvernements d’adapter leurs politiques au changement climatique afin de continuer à soutenir un modèle économique prédateur. Bien au contraire, leurs politiques doivent modifier leur modèle économique pour promouvoir l’atténuation de l’impact environnemental et générer une durabilité climatique. Comme le souligne l’UNESCO dans son rapport « Changeons les esprits, pas le climat / Le rôle de l’éducation ». (https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000266203_fre)

Lorsque nous examinons certaines des prétendues « idées innovantes » pour résoudre le problème sous- jacent qui est l’écologie et non l’économie, nous constatons que bon nombre des négociateurs ne sont pas de véritables experts en environnement mais en macroéconomie. La question est donc plus complexe qu’on pourrait le penser, puisqu’il s’agit d’inciter les principales puissances mondiales à parvenir à un consensus environnemental en abordant le problème principalement sous l’angle des coûts financiers. Cette maladresse diplomatique a sans doute été l’une des principales raisons de l’échec des Accords de Paris de 2015.

En fait, la Banque mondiale a indiqué que si des mesures rapides et urgentes ne sont pas prises, l’impact du changement climatique pourrait plonger cent millions de personnes dans la pauvreté en 2030, sans compter les difficultés que les Nations Unies ont prévues dans leurs récents rapports, sans prendre en compte la demande de besoins alimentaires pour une population mondiale qui pourrait atteindre 10 milliards de personnes en 2050.

En revanche, l’engagement de certains pays à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre ne sert à rien si les pays les plus pollueurs refusent de limiter les leurs. Sans excuse probante, les grands pays pollueurs se soucient davantage du coût pour leur économie que du coût de la limitation du réchauffement climatique à 1,5 degré Celsius, car les bénéfices pèsent plus dans la balance que les futures pertes.

QUE FAIRE ALORS?

Nous sommes sans aucun doute confrontés à un problème politique dont les motivations économiques sont plus importantes que les motivations écologiques et humanitaires, ce qui constitue dès le départ un défi pour tout mécanisme de négociation.

Dans ce contexte, la coopération et la convergence entre les gouvernements, la société civile et le secteur privé sont essentielles pour donner une légitimité suffisante à un État au sein de la Conférence des Parties (COP) de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Pour cette raison, bon nombre des positions proposées par certains pays ne sont pas vraiment cohérentes ou représentatives de leurs sociétés et cela a précisément été l’une des principales causes d’une plus grande émergence d’organisations et de groupes environnementaux au niveau mondial.

Pourquoi les Nations Unies ne suggèrent-elles pas, par exemple, la possibilité d’adopter une résolution contraignante afin que les pays puissent convoquer un référendum consultatif et que leurs sociétés puissent décider des mesures à adopter en la matière ?

Tant que cela ne se produira pas, les grandes industries polluantes, par leurs liens politiques, ne continueront pas seulement à influencer les décisions gouvernementales en matière de changement climatique, mais elles chercheront également des moyens nouveaux et sophistiqués pour échapper, par différents raccourcis technologiques, au processus de transition vers l’élimination progressive des combustibles fossiles, tel que proposé à la COP-28 en 2023.

Le monde a besoin d’un nouveau multilatéralisme écologique juridiquement plus audacieux, plus ambitieux et plus efficace, pour construire non seulement une nouvelle architecture financière de défense de l’environnement et du développement durable, mais aussi pour établir de nouvelles instances capables de faire respecter les accords par le biais de mesures coercitives et de sanctions, conduisant à réparer les dommages environnementaux et à compenser les pertes humaines et matérielles.

Depuis cette tribune d’opinion, nous nous interrogeons :

Où nous allons ? Une guerre pour l’eau et d’autres ressources limitées ? La politique peut-elle être décarbonée ?

Vers la création d’une Cour pénale internationale de l’environnement ?

Un Conseil international d’urgence environnementale pourrait-il être établi ? Que fera l’ONU face aux migrations climatiques ?

Ce sont des questions que des millions de personnes se posent, en espérant qu’elles pourront être abordées lors des prochaines réunions de la COP.

Malheureusement la phrase prémonitoire de Jacques Chirac prononcée devant l’assemblée plénière du IVème Sommet de la Terre à Johannesburg en 2002 reste terriblement d’actualité “notre maison brûle et nous regardons ailleurs”.

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