Rising Lion, quel impact sur la sécurité mondiale ?

par Penda Dieng
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Rising Lion ou le lion se lève, c’est l’attaque massive lancée par Israël dans la nuit du 12 au 13 juin en direction de l’Iran avec comme objectif de détruire le programme de développement nucléaire iranien et faire tomber, au passage, le régime iranien en ciblant des figures clés du régime comme le chef d’état major, le commandant en chef des Gardiens de la Révolution ou encore le chef du service des renseignement. Cette opération est sans doute dans la logique d’amorcer la désagrégation de « l’axe de la résistance » du régime iranien avec comme objectifs un changement de régime.

 Il convient de rappeler quelques éléments qui ont conduit à l’offensive israélienne sur Téhéran.

D’abord il y eut l’expiration du délai que le président américain avait fixé à l’Iran pour signer un accord sur son programme nucléaire, accord que l’Iran avait auparavant déjà signé en 2015 sous la présidence de Barack Obama avec le groupe des cinq du Conseil de Sécurité (Chine, France, Russie, Royaume-Uni, États-Unis, plus l’Allemagne). Il visait à limiter le programme nucléaire iranien en échange de la levée des sanctions internationales et permettait aux scientifiques de l’AIEA (Agence Internationale de l’Energie Atomique) de surveiller le développement du programme nucléaire iranien. L’accord a été rompu en 2018 par le président américain poursuivant ainsi les sanctions sur l’Iran ; le pays avait donc décidé de continuer le développement de son programme. Et récemment cette agence a publié son rapport accablant pour le régime iranien et son programme d’enrichissement de l’uranium qui aurait franchi la barre des « 60% ». L’intervention américaine dans la nuit du 21 au 22 juin prouve à suffisance que le président américain n’était pas dans la perspective d’obtenir un accord avec l’Iran autour d’une table de négociation. L’on se demande comment l’Iran peut revenir à une table de négociation après avoir vu ses principaux sites nucléaires touchés par les USA ? La question reste pour le moment posée.

Ensuite il y’a l’organisation conjointe (par la France et l’Arabie Saoudite) de la Conférence Internationale aux Nations Unies,

Cette conférence qui devait se tenir le 17 juin 2025 à New York allant dans le sens d’une reconnaissance d’un Etat palestinien. Il faut dire ici que la situation à Gaza commençait à peser sur la communauté internationale et des actions ont été entreprises aussi bien à la Cour Internationale de Justice qu’aux Nations Unies.

A cela, il faut ajouter la déclaration d’un responsable militaire iranien qui disait le 12 juin je cite « que le régime iranien dispose de suffisamment de matériaux pour construire 15 bombes atomiques en quelques jours ».

Et du coté Israélien, le gouvernement de Benjamin Netanyahou aussi faisait face à des dissensions internes : Israël est un tout petit pays et son armée compte sur le déploiement de réservistes et ces derniers commençaient à ne plus répondre à l’appel aux combats surtout en ce qui concerne Gaza.

Donc cet état de faits était une fenêtre de tirs parfaite pour B. Netanyahou pour détourner le regard de la Communauté Internationale sur la situation dans la bande de Gaza mais aussi de régler une vielle obsession pour lui qui est d’arrêter le programme nucléaire iranien.

C’est ainsi que l’opération est lancée avec le bombardement de plusieurs sites nucléaires iraniens tuant aussi des scientifiques et des figures emblématiques du régime dont des scientifiques du nucléaire.

La riposte de l’Iran ne s’est pas faite attendre. Alors même si le gouvernement américain nie toute implication dans l’offensive; il est clair que les israéliens ont été grandement aidés dans la préparation de l’attaque  et dans leur défense. La plupart des missiles lancés par l’Iran sont interceptés et ceci grâce aux soutiens du gouvernement américain.

Suite à cette agression qui est en porte-à-faux avec le Droit International, la Communauté internationale s’est illustrée pour le moment par des déclarations standard voire lénifiantes.

La France qui est initiatrice de la conférence sur la Palestine annonce son report dans la foulée (une victoire pour l’Etat Hébreu) et apporte son soutien à Israël en disant que ce dernier « a le droit de se défendre » peut être que c’est inutile de rappeler que c’est Israël qui a lancé l’offensive guerrière.

Du coté américain, D. Trump avait multiplié les déclarations contradictoires sur une éventuelle intervention américaine et profitait de cette situation pour mettre la pression sur le gouvernement iranien afin qu’il signe un nouvel accord sur l’arrêt de son développement nucléaire. Ce qui est matériellement impossible vu la technicité et la complexité du dossier nucléaire. Rappelons qu’il avait fallu deux années de négociations pour conclure l’accord de 2015. De ce constat l’intervention américaine n’était qu’une question de jours.

Dans la région moyen – orientale, la Turquie envisage des solutions diplomatiques avec ses voisins notamment la Syrie et l’Arabie Saoudite mais aucune action concrète n’est entreprise pour le moment. Et ceci même après l’entrée  des USA dans la guerre.

La Russie et la Chine sont des alliés de l’Iran, la Russie a, par le passé, aidé l’Iran sur l’Installations et les équipements de ses centrales nucléaires. Un article du Grand Continent révèlait il y’a quelques semaines l’accord « historique » entre les deux pays en janvier 2025  « entérinant un partenariat durable dans les domaines de la Défense, du renseignement et du contournement des sanctions internationales ». Force est de constater que la Russie est plutôt dans l’expectative en multipliant les condamnations théoriques en dépit dudit accord. 

La Chine qui, bien qu’ayant toujours refusé de sanctionner l’Iran qui ne respecterait pas (selon les occidentaux) les termes du TNP (traité de non prolifération nucléaire), se limite à des condamnations certes fermes mais qui ne laissent pas entrevoir la possibilité d’un soutien militaire.

Le constat est que l’on a une situation quasi semblable à que celle de la Guerre Froide : un bloc russo – sino – iranien et de l’autre coté Israël avec le soutien des pays occidentaux. Et dans ce grand chaos mondial, seule la Chine sort du lot, elle apparaît comme l’Etat le plus stable et le plus rationnel et qui pourrait entreprendre des solutions diplomatiques.

Ce qui nous amène à nous poser la question de savoir quelle est la conséquence de cette escalade sur la sécurité mondiale ?

Il convient quand même de dire que la situation est désastreuse aussi bien pour l’Iran que pour l’Israël et potentiellement pour la région entière mais il ne s’agit pas (pour le moment) d’une guerre nucléaire à proprement parlé. Les attaques israéliennes ne visaient pas le cœur du programme nucléaire iranien. Il a fallu une intervention américaines pour que les principaux sites soient touchés notamment celui de Fordo enfoui sous des profondeurs de 800 m. A ce stade il est difficile de dire si le programme nucléaire iranien est stoppé car on ne peut pas effacer le savoir faire qui est dèja acquis, les iraniens sont connus pour avoir nombre de scientifiques de haut niveau. Il sera donc toujours possible de remobiliser le savoir faire pour relancer le programme nucléaire qui, à coup sûr, est ralenti après les attaques israéliennes et américaines. Raison pour laquelle l’objectif principal de cette offensive sur l’Iran est d’arriver à un changement de régime  ou au pire à contraindre l’Iran d’accepter un accord avec les conditionnalités des américains. Les manifestations des iraniens pour le régime des Mollahs et la salve de missiles lancés depuis l’intervention américaine prouvent que l’Iran n’est pas pour le moment sur la voie d’une capitulation.

La situation est, certes, loin de de 1945 et d’Hiroshima ou Nagasaki. Israël suit donc méthodiquement son projet de remodelage du moyen Orient décidé depuis l’attaque du 7 octobre 2023. D’abord Gaza en anéantissant le Hamas (assassinat du chef du Hamas en juillet 2024 à Téhéran lors de l’investiture du président de l’Iran) ; ensuite le Hezbollah au Liban et aujourd’hui l’Iran qu’il considère comme la mère nourricière de toutes ces entités

Ce qu’il faut retenir de cette offensive sur l’Iran c’est qu’elle est un prétexte pour faire oublier la situation à Gaza, et la responsabilité de la communauté internationale et surtout de l’ONU est pointée du doigt. L’on compte plus de 55.000 morts à Gaza, Israël bloque impunément l’aide humanitaire en dépit de la Charte des Nations Unies, droit international et droit international humanitaire et aucune mesure punitive n’est prise à son encontre, et l’on doute que cela soit possible car si de telles mesures sont entreprises les USA mettront toujours leur véto comme il est dèja arrivé dans le passé. Des pays comme l’Afrique du Sud tente de faire quelque chose, une plainte a été déposée au niveau de la CIJ (la Cour Internationale de Justice); elle est soutenue par l’Espagne, l’Egypte et le Chili mais le reste du monde a juste haussé les épaules.

Cette situation fait qu’il y’a donc un fort risque d’embrasement dans la région et que, poussé au pied du mur, l’Iran décider de fermer l’accès au détroit d’Ormuz. Il existe une forte culture du martyr qui est profondément ancrée dans la société iranienne et si le régime se croit menacé de disparition, il peut aller jusqu’au bout et fermer l’accès au détroit pour perturber l’économie mondiale .

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