Elections européennes : un choix peu ragoutant pour les électeurs !

par Erwan Davoux
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Erwan DAVOUX, ancien chargé de mission à la Présidence de la République, a conseillé de nombreuses personnalités politiques de droite à l’international

1/1 RENAISSANCE ET LE PS, QUASIMENT BLANC BONNET ET BONNET BLANC

Alors que les élections européennes approchent à grands pas, le choix qui s’offre aux électeurs est peu ragoutant. Et les influences étrangères omniprésentes dans cette campagne.

1.1 Le couple franco-allemand cassé

L’Europe hollando-macronienne est tout d’abord celle du couple franco-allemand cassé. Sous les présidences précédentes, France et Allemagne se mettaient d’accord en amont sur tous les sujets pour parler d’une seule voix aux Conseils européens.

Mais le couple franco-allemand n’a pas résisté à la diplomatie partisane de François Hollande. Ce duo fort s’est bâti bien au-delà des divergences partisanes. Giscard/Schmidt, Mitterrand/Kohl, Chirac /Schröder ont su faire passer l’intérêt de l’Europe avant leur appartenance politique. François Hollande pas. Il sera resté socialiste plus que Président de la République et n’aura jamais créé une relation de confiance avec Angela Merkel. Ainsi, il n’hésitera pas à recevoir, en pleine campagne électorale allemande, en avril 2013, le dirigeant du SPD, Peer Steinbrück, rival d’Angela Merkel à l’Elysée. Il en avait fait de même pour son prédécesseur à la tête du SPD, Sigmar Gabriel, en juin 2012. Une faute diplomatique qui sapera la confiance d’emblée.

Rien de neuf sous Emmanuel Macron. Ses propos sur un possible envoi de troupes en Ukraine, sans aucune concertation avec ses alliés, et notamment l’Allemagne, n’ont fait que manifester une fois de plus le gouffre entre les deux pays dont les intérêts n’ont plus rien de convergent. Comme François Hollande, Emmanuel Macron a fait passer les préoccupations électorales avant l’intérêt européen. Qui ne voit pas que les propos du Président de la République sur le sujet sont purement électoraux ? Il s’agit une fois de plus, d’instrumentaliser la guerre russo-ukrainienne à des fins électoralistes comme il le fit, avec un certain succès, lors de l’élection présidentielle ? Ce s’appelle être un pompier-pyromane et quand en face, il y a Vladimir Poutine, cela frise l’inconscience…

A son corps défendant, Emmanuel Macron doit composer avec celui qui est probablement le pire chancelier allemand de l’après-guerre.

Au-delà de ses bévues politiques, le constat est aujourd’hui clair : la France et l’Allemagne ont des intérêts divergents. Le temps où la France incarnait politiquement l’Europe avec un poids économique qui le lui permettait est définitivement révolu. L’Allemagne regarde naturellement vers l’Est du continent quand la France est avant tout une puissance méditerranéenne. La manière dont l’Allemagne a sabordé l’ambitieux projet de Nicolas Sarkozy d’Union Pour la Méditerranée (UPM) en communautarisant le projet pour lui ôter toute portée réelle est particulièrement révélateur. C’est d’ailleurs sous Nicolas Sarkozy que la première alerte sera donnée : l’Allemagne s’abstiendra lors du vote la Résolution 1973 du Conseil de Sécurité sur la crise libyenne (et ce qu’il advint par la suite lui donna raison), une douche froide pour l’Elysée qui ne s’y attendait absolument pas. Nous sommes alors déjà très loin de l’entente parfaite pour s’opposer à la guerre en Irak, séquence où la France a pu compter sur un soutien allemand total. Que ce soit sur les questions énergétiques, la politique industrielle, la défense ou les priorités diplomatiques, les désaccords sont nombreux.

Gravé dans le marbre, le couple franco-allemand ne l’est assurément plus. L’avenir n’incite pas à l’optimisme : jamais aussi peu d’élèves en France ont appris l’allemand (13,5%) et de jeunes allemands n’ont appris le français, le chiffre est quasiment similaire Outre-Rhin.

La visite de Stéphane Séjourné à Berlin, le 15 janvier, deux jours après sa nomination louant le « couple franco-allemand » (expression uniquement française) avait donc le côté surréaliste ou au moins décalé, celle d’un élève lisant des fiches non mises à jour tant les sujets de désaccords sont plus importants que ceux de convergence.

1.2 La fin de l’exception française

Le problème est qu’aucune solution alternative n’apparaît et que l’Europe vogue sur un océan déchaîné comme un bouchon surnagerait sur les vagues qu’il subit. Ne serait-il pas bien venu de bâtir des coopérations renforcées avec des pays qui partagent nombre de nos préoccupations et défis à relever tels que l’Italie et l’Espagne ?

L’Europe à la mode « Renaissance » est aussi celle où la Présidente de la Commission Européenne, Ursula Von der Leyen se permet de prendre des décisions et d’afficher des positions de politique étrangère qu’elle n’a aucune compétence à prendre dans un alignement et une inféodation aux Etats-Unis qui eux-mêmes n’en demandent pas tant.  C’est aussi celle où Emmanuel Macron décide d’emmener à ses côtés la Présidente de la Commission Européenne en Chine (avril 2023) comme pour dissiper l’exception française depuis que le Général de Gaulle a été le premier chef d’Etat occidental à reconnaître la République Populaire de Chine le 27 janvier 1964.

La continuité est tellement forte en politique étrangère et sur l’Europe entre François Hollande et Emmanuel Macron que l’on peine à voir les différences de fond entre Valérie Hayer et Raphaël Glucksmann. Même empressement à monter au Front sur le conflit russo-ukrainien. Même célébration de l’OTAN, même inféodation aux Etats-Unis. Même deux poids, deux mesures concernant l’application du droit international. Soutenir l’Ukraine au nom du droit international oui mais l’écarter lorsqu’Israël le viole matin, midi et soir et ce depuis plusieurs décennies ? François Hollande comme son successeur ont amorcé et concrétisé un revirement total dans cette région : l’abandon de la politique arabe de la France et l’amitié et le soutien avec l’extrême droite israélienne. En réalité les listes Renaissances et PS sont les listes inspirées par Bernard Henri Lévy. La coïncidence ne peut en être une quand les éléments de langage des élus « Renaissance » reprennent mot pour mot ceux d’un BHL ressortit de la naphtaline et soutien de l’action de l’armée israélienne à Gaza.

Nous avons donc deux listes BHL aux européennes. Quelques nuances tout de même : le PS soutient moins (à l’exception de quelques personnalités bien identifiées) le possible génocide à Gaza et a corrigé tardivement le tir tandis que Renaissance fait preuve d’une constance dans le soutien à Netanyahou.

1.3 L’Europe comme contrainte

L’Europe macronienne, c’est celle du « en même temps » où l’on vote au Parlement Européen tous les accords de « libre-échange » tout en prétendant s’y opposer en politique intérieure. Celle d’une France où l’on décide que les normes européennes n’étant pas suffisamment lourdes, il est nécessaire de les complexifier davantage lors de la transposition en droit français. La crise de notre agriculture, la colère des agriculteurs résulte pour partie de cette complexité que le Secrétariat général des affaires européen (SGAE) entretient. Mais de qui dépend cette organisme ? Du Premier ministre ! Mission doit être donnée au SGAE de demander aux ministères compétents, pour chaque directive, de faire exactement l’inverse. A l’image de ce que fait depuis longtemps l’Allemagne : une transposition souple et la moins contraignante possible.          

Cette Europe-là, dans laquelle la France perd son âme et sa souveraineté nous n’en voulons pas ! Cette Europe focalisée sur l’Est du continent qui abandonne la Méditerranée et l’Afrique nous n’en voulons pas. Cette Europe-là inféodée aux Etats-Unis pour ses choix stratégiques, nous n’en voulons pas !

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