L’État de droit international menacé

par David OSORIO
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Par David OSORIO, Avocat et ancien diplomate de carrière vénézuélien / Expert en droit international, géopolitique et affaires multilatérales / Essayiste sur l’actualité de la politique internationale.

Les conflits, aussi éloignés soient-ils, ne sont pas indifférents à l’opinion publique ou au droit international, surtout si c’est la prédominance des droits de l’homme qui est en jeu. Utiliser les principes de respect de la souveraineté, de légitime défense et
d’autodétermination comme arme politique n’autorise en aucune manière aucun état, juridiquement ou moralement, à transgresser le caractère universel de la dignité humaine et des libertés citoyennes.
Cependant, le contexte international actuel montre clairement que cette aberration interprétative des principes du droit cherche à justifier d’innombrables crimes contre l’humanité et crimes de guerre en toute impunité des responsables. En effet, lorsqu’un Etat fait un usage disproportionné de la force contre une population civile ou viole les garanties de ses droits fondamentaux, le droit international active immédiatement ses protocoles et mécanismes de surveillance, de condamnation, de détermination des responsabilités et dans certains cas d’intervention pour des raisons humanitaires lorsque la paix et la sécurité d’une nation sont gravement menacées.
Le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures ne correspond pas à une fermeture absolue empêchant toute observation internationale et sa défense pernicieuse n’accorde aucune autorisation, immunité ou impunité à un gouvernement pour violer les droits humains et échapper à la justice en évoquant comme excuse le principe In comento. Le droit international n’est pas un concept isolationniste ou abstrait face au totalitarisme ou à la barbarie. Son application ne peut pas non plus être soumise au bénéfice de l’inventaire des intérêts d’un modèle politique, d’une doctrine ou de toute forme de pensée. Pour cette raison, le recueil de nombreux traités internationaux et de leurs institutions directrices, à commencer par la Charte des
Nations Unies, constitue les piliers fondamentaux du droit international dont la prééminence est au dessus des normes du droit interne.
L’escalade successive des conflits constitue actuellement une menace incalculable pour l’ordre international et les institutions multilatérales, en particulier le Conseil de sécurité des Nations Unies, de plus en plus handicapé par le droit de veto exercé par chacun de ses membres permanents.
Après la guerre froide, le terrorisme représente sans aucun doute la plus grande menace mondiale contre la paix et la sécurité internationales et une source importante de financement pour l’industrie de l’armement, devenant ainsi l’activité la plus protégée par les services secrets, la plus lucrative et la plus impitoyable de tous les temps.
D’autre part, l’arrivée de nouveaux régimes totalitaires et autoritaires et l’expansion d’anciennes puissances aux prétentions hégémoniques tant au niveau militaire que financier ont posé un défi contre les démocraties occidentales et l’ordre international. Leurs peuples sont victimes de violations systématiques des libertés, de soumission et de persécution, exerçant un contrôle total sur les pouvoirs de l’État sans transparence dans la gestion des ressources publiques.
Tout ce contexte implique une réflexion, une révision et une réparation d’un système international ancien et obsolète qui a été clairement soumis par l’imposition de la violence et par la complicité de certains facteurs médiatiques.
Cela dit, il est nécessaire de reconnaître que le multilatéralisme s’est révélé inefficace à anticiper la prévention des conflits et articuler de manière cohérente les mécanismes de dialogue et de médiation caractérisés par les instruments juridiques actuels.
Le monde n’est plus situé entre petits et grands ennemis. L’extrême violence de l’époque actuelle n’est l’apanage d’aucune région du monde ; elle s’est étendue à grande échelle grâce au boom scientifique et technologique et à l’émergence de nouvelles formes de guerre non conventionnelles.
Face à ce scénario, l’absence de méthodes de contrôle des dégâts par la diplomatie et le droit international a préparé le terrain à des pays voyous, – hors-la-loi -, pour menacer leurs voisins et former des alliances stratégiques sous le couvert d’une « prétendue coopération ». Mais derrière cette coopération se cache un programme guerrier de provocation et de confrontation politique visant à renverser l’ordre juridique international et les normes les plus fondamentales de la coexistence pacifique.
La convergence de ces dangers coïncide avec les mésaventures d’une économie mondiale toujours en récession en raison des effets du Covid-19, de l’urgence climatique, de la crise énergétique et de la crise migratoire. La dimension du problème réside fondamentalement dans le fond plutôt que dans la forme. Nous assistons au véritable « choc des civilisations » envisagé il y a plus de deux décennies par le
politologue américain Samuel Huntington face à l’aggravation des différences culturelles existantes entre les Etats.
Au-delà de ce qui est indiqué, il faut ajouter que les rivalités historiques ont été encore intensifiées par le fanatisme idéologique, la nouvelle vague expansionniste de certains régimes et l’extrémisme religieux, sur lesquels le populisme et la propagande politique ont établi une sorte de passivité ou de mépris au détriment du droit international, remettant en cause la reconnaissance de la compétence des tribunaux internationaux.
Dans cette perspective, le principal défi de la communauté internationale est de promouvoir le dialogue interculturel entre les états au sein des Nations Unies
et de ses différentes organisations et agences spécialisées, afin de favoriser une feuille de route qui cherche à créer les conditions pour réactiver la volonté politique et la conscience des pays à respecter leurs engagements internationaux. Toute initiative devrait promouvoir un processus de consultation ardu qui invite les états à participer à différents instances et groupes de travail axés sur les questions qui, en raison de leur nature juridique, méritent d’être dépolitisées parce qu’elles sont précisément les plus sensibles sur l’agenda international.
Pour conclure, je considère que le rétablissement de l’État de droit international en faveur d’une nouvelle gouvernance mondiale nécessite impérativement un plus grand effort de la part de l’éducation, afin de donner du pouvoir aux citoyens par l’école, dans la construction d’une « culture de la légalité » soutenue par les principes et valeurs attachés à la paix, à la justice, aux droits de l’homme, à la démocratie et aux libertés fondamentales

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