Comprendre le « Grand Israel «

par Michael J.P LAURENT
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Dans le discours du gouvernement extrémiste israélien, le grand Israel est présenté comme une forme d’espace vital pour les juifs, surtout apres le 7 octobre 2023.

Le souci de la frange extremiste de hater la venue du Mashiah amene a bien des confusions.

Mais il faut comprendre l’origine du grand Israel. Et c’est dans Genèse 15:18

En ce jour-là, l’Éternel fit alliance avec Abram, et dit : Je donne ce pays à ta postérité, depuis le fleuve d’Égypte jusqu’au grand fleuve, le fleuve d’Euphrate.

Le « fleuve d’Égypte » est généralement compris par les commentateurs comme le wadi el-ʿArish, et pas le NIL. Le Wadi el – Arish est situé dans le Sinai .

La mention de deux grands repères (« fleuve d’Égypte » et Euphrate) fonctionne comme une hyperbole géopolitique qui encadre « tout l’espace entre », un procédé courant dans les traités et “grants royaux” (don de terres par un grand roi à un serviteur) de l’Antiquité. Plusieurs biblistes voient en Gen 15 un covenant de grant : un engagement unilatéral et généreux qui n’est pas un bornage administratif. Des travaux récents parlent de « cartographie idéologique » des auteurs deutéronomistes. ( https://www.thetorah.com/article/mapping-ideologies )

Le souvenir du règne de Salomon parle d’une hégémonie « du fleuve [Euphrate] jusqu’à la frontière d’Égypte » (tributs de royaumes vassaux), ce qui cadre avec une portée symbolique de la promesse plutôt qu’avec une annexion continue.

Les versets 15:19-21 enchaînent avec une liste de peuples (Kenites, Hittites, etc.), qui recentre la promesse sur le pays cananéen et ses cités—un indice que le propos n’est pas un contour impérial précis mais une donation théologique appliquée à un espace régional.

En clair, Genèse 15:18 magnifie la promesse (Dieu donne “grand”) au moyen d’un langage de traité royal et d’une carte idéale familière aux auditeurs antiques. Quoi qu’en fassent certains militants aujourd’hui, le texte, replacé dans son genre littéraire et son contexte historique, ne prescrit pas une expansion politique moderne ni ne fixe des frontières nationales contemporaines.

Il faut rappeler que les Royaumes d’Israel et de Juda furent modestes et relativement brefs à l’échelle du Proche-Orient ancien :

  • Le royaume unifié (Saül, David, Salomon) env. 1020–922 av. n.è.
  • Le royaume d’Israël (Nord) tombe en 722/721 sous l’Assyrie.
  • Le royaume de Juda (Sud) survit jusqu’en 587/586, conquis par Babylone. On est loin d’un Empire du Nil a l’Euphrate

L’expression « Grand Israël » (Greater Israel, Eretz Israel ha-shlema – « Terre d’Israël entière ») n’a pas un sens unique. Elle a servi :

  1. chez certains révisionnistes sionistes avant 1948 (Irgun, Jabotinsky) à revendiquer les deux rives du Jourdain ; leur emblème montrait d’ailleurs une carte incluant la Transjordanie.
  2. surtout après 1967, à désigner des mouvements (p. ex. la « Mouvement pour la Terre d’Israël entière », puis Gush Emunim) opposés à tout retrait des territoires conquis en 1967 (Cisjordanie, Jérusalem-Est, parfois Gaza), au nom d’un droit historique/biblique. Le programme du Likoud de 1977 affirmait ainsi : « entre la mer et le Jourdain, il n’y aura que la souveraineté israélienne »

À noter : dans l’usage israélien courant de ces milieux, « Eretz Israel ha-shlema » ne renvoie pas à une visée jusqu’à l’Euphrate ; il s’agit plutôt de la totalité du pays à l’ouest du Jourdain (Cisjordanie/Judée-Samarie).

Donc, au proche orient , du fleuve a la mer est employé par les extrémistes des deux bords ….et cette vision spirituelle du Grand Israël est bien plus littéraire que politique.

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